Toha serra les dents. Releva la tête pour affronter le regard de son interlocuteur, le grand Kaidon de l'État 'Okonom, Bren 'Okonom. Ce dernier, vêtu de sa toge dorée et accompagné de ses conseillers, dardait sur l'artificier un regard impérieux et accusateur.
- Alors, frère Toha ? demanda-t-il, et sa voix résonna à travers la large salle plongée dans l'obscurité.
Toha déglutit. Baissa la tête en signe de respect.
- Eh bien... je ne me souviens de rien, à vrai dire.
Silence pesant. Bren 'Okonom plissa les rares plis de sa toge et reprit la parole :
- Vraiment ? Comment expliques-tu, fils, que tu aies déserté l'Armée pour revenir ici ? Et que, de surcroît, tes camarades d'escouade aient disparus ?
Toha vit les traits du Kaidon s'assombrir, ce qui n'était vraiment pas une bonne chose.
- Te rends-tu compte, gronda ce dernier en haussant légèrement la voix, que tu viens de jeter l'opprobre sur notre lignée ?
Toha serra encore plus les mandibules, chose qu'il aurait crû impossible auparavant.
- Je vous dis que je ne me souviens de rien.
- Il suffit ! répliqua Bren 'Okonom d'un ton cassant et méprisant. Frère Toha 'Okonom, je te condamne à une peine de...
Il s'interrompit. L'un de ses conseillers s'était penché vers lui. Ce dernier lui murmura quelque chose à l'oreille, Bren acquiesça puis reporta son attention sur Toha.
- Très bien... après réflexion, nous t'avons peut-être jugé trop sévèrement. Peut-être dis-tu la vérité. En revanche, nous ne pouvons te permettre de te laisser retourner dans l'Armée. Par conséquent, tu resteras ici, sur Sanghelios... mais tu es banni à jamais de notre État.
Toha ouvrit la bouche pour protester. C'était pire que d'être condamné dans un pénitencier, pire que tout. Sa gorge se serra et il ne put rien dire.
- Pars, dit Bren, pars, et ne reviens jamais en ces lieux. Nous ne sommes plus tes frères, à présent.
Toha resta à, pantois, les bras ballants, pétrifié, sous le regard inquisiteur de tous les conseillers et de Bren. Sans un mot, il se releva lentement, la tête baissée, et sortit de la salle, le cœur lourd et l'esprit n'arrivant pas à assimiler ce qui venait de se passer.
« Nous ne sommes plus tes frères, à présent. »